Critique du film "The Amazing Spider-Man : Le Destin d'un Héros"

Après une campagne promotionnelle ahurissante dépassant déjà de loin les limites enclenchées par le premier épisode, délivrant quasiment la moitié du film dans une successions de bandes-annonces ne faisant qu'attiser la haine d'une communauté cinéphile encore sur la défensive suite à la décision de rebooter la saga de leur réalisateur modèle, The Amazing Spider-Man : Le Destin d'un Héros sort dans un climat de tension que peu de blockbusters ont connu avant lui. Raillé avant même ses premières images, conspué par une presse qui n'y voit ni plus ni moins que la plus mauvaise transposition Marvel depuis des années (seriously ?) ainsi que la plus vaste entreprise mercantile que le cinéma ait connu (tout en prenant soin d'omettre la mal causé par la team Disney et son Marvel Universe, dont Sony ne fait finalement que tenter d'en ramasser des miettes), le nouveau film de Marc Webb peut-il finalement exister une fois l'esprit vierge de toutes ces données ?

 

 

Avant toute chose, il convient de signaler que l'auteur de ces lignes considère la saga de Sam Raimi comme l'une des plus belles réussites que le genre nous ait offert tout autant qu'il reconnaît l'honorable réussite du premier The Amazing Spider-Man. Ce-dernier parvenait, dans un habile rattrapage de dernière minute, à sauver une franchise vouée à la Disneyisation tout en proposant une relecture propre à son auteur. Oui, The Amazing Spider-Man était pétri de défauts. Oui, Marc Webb n'a aucunement l'étoffe d'un Sam Raimi lorsqu'il s'agit d'accoucher de scènes d'action, et il en est bien conscient. De même, sa marche de manoeuvre sur ce premier épisode était relativement réduite, empêchant le film de prendre véritablement une direction différente à celle de la trilogie originale. Pourtant, de part le choix d'un casting qui tranchait radicalement avec les précédents en présentant un couple à l'alchimie rafraîchissante et une orientation résolument plus moderne, le film parvenait in extremis à proposer un essai attachant bien qu'inégal, et qui ne demandait ainsi qu'à se voir pleinement transformé.

 

Dès les premiers instants de ce second opus qui poursuit le flashback d'ouverture du premier film, The Amazing Spider-Man 2 assume ses partis-pris de bousculer totalement l'univers déjà établi. Le film surprend par la relecture qu'il fait des archétypes et passages obligatoires, apportant de nouveaux tenants et aboutissants tout en respectant finalement le fond du personnage. À ce titre, la révélation qui intervient à la moitié du film, la fameuse "Untold Story" promise depuis 2 ans, pourrait autant être vue par certains comme une trahison que par l'envie de Marc Webb et ses scénaristes de remodeler le personnage pour lui offrir une nouvelle dynamique. Hélas, les contingents du studio, du personnage, des attentes du réalisateur et d'une narration complexe contraignent ainsi à ce que l'on suppose être un rafistolage des différentes versions du scénario. Conséquence, des raccourcis parfois frustrants et l'impossibilité des personnages d'avancer et d'exister en dehors de la dramaturgie et de l'action pouvant donner l'impression de pantins aux commandes des scénaristes. Pourtant, grâce à l'investissement total du casting, ces figures parviennent à s'imposer et à prendre vie. Mention spéciale à Dane DeHaan qui propose là encore une performance mémorable, suffisamment éloignée du Harry de James Franco pour ne pas souffrir d'une quelconque comparaison.

 

 

Mais là où le film s'affranchit totalement de ses prédécesseurs (et de la première excursion de Marc Webb dans l'univers), c'est dans son mélange des tonalités qui en fait un projet cinématographique aussi curieux qu'excitant. Au même titre que la jusqu'au-boutiste partition de Hans Zimmer qui retrouve enfin la fraicheur de ses débuts avec un melting-pot de sonorités aussi mélodiques qu’épidermiques, le film joue de la nature multiple de ses personnages et propose d'étonnantes variations de rythme (parfois dans la même scène) comme avec l'ironie tragique du personnage d'Electro, victime collatérale et figure du mal qui ne demandait qu'à être aimer. Les choix scénaristiques sont osés, risqués, et ne réussissent pas toujours. Pourtant, il ressort de ce flot d'images de 2h21 une énergie communicative salvatrice qui offre quelques fulgurances visuelles étonnantes, à l’image de ses scènes d’actions qui jouent de la variété des situations et des décors. Webb n'est pas Raimi, ainsi sa caméra ne prend pas le parti de défier les lois de la gravité. Pourtant, en choisissant de tourner sur pellicule, le réalisateur de (500) Jours Ensemble propose un jeu de textures et de couleurs qui marque véritablement la rétine. Là encore, au risque de déplaire. Mais pourtant, l'audace est là et la prise de risques considérable. N'était-ce pas là les reproches principaux accordés au premier opus ?

 

 

The Amazing Spider-Man 2 n'est ni la réussite absolue que Sony aimerait vendre, ni le cataclysme annoncé par les critiques. Il est un projet audacieux, rempli de défauts inhérents à ses qualités mais porteur d'une vraie pulsion de cinéma qui transporte le film. On en ressort étourdi, peut être frustré, mais galvanisé par le spectacle absolu offert par Marc Webb et son équipe. Fortement inégale mais bourré d'idées fortes (le climax du film, pourtant fatalement attendu, est d'une noirceur inattendue et risque de rester en mémoire), Le Destin d'un Héros aura toujours le mérite de sortir du canon Disney/Marvel et de son uniformisation. Pourquoi alors tant de haine ? Quoi qu'on en dise, la franchise Spider-man aura toujours sa propre identité et ainsi une véritable longueur d'avance sur ses rivales.

3.5

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