Critique de La Cité Rose

            Donner une autre vision des cités de banlieue, loin des clichés habituels du journal télévisé, telle est l’ambition de ce film de fiction qui – à travers les mésaventures d’un adolescent – dresse le portrait d’un quartier de mauvaise réputation qui existe bel et bien, la Cité Rose à Pierrefitte dans le « 9-3 ».

            Pour ce faire, Julien Abraham, dont c’est le premier film, s’est entouré d’hommes du terrain. Son ami Sadya Diawara, qui coproduit le film, fut un habitant des lieux du tournage. Les deux auteurs qui cosignent le scénario avec le réalisateur ont grandi dans les cités. De surcroît, les rôles des enfants sont interprétés par des gamins recrutés sur les lieux. C’est donc un regard de l’intérieur qui habite le film.

            L’histoire se focalise autour d’un gamin de 12 ans d'origine afro-antillaise, surnommé "Mitraillette" (allez savoir pourquoi), qui arrive au stade des premiers émois amoureux. Autour de lui gravitent ses camarades de classe, mais aussi quelques bambins encore au stade de l'insouciance, et des adolescents parvenus à l'âge de commettre leurs premiers délits. Nous rentrons dans leurs foyers, souvent dépourvus de figures paternelles, mais où règnent des mères immigrées prodigieuses. Le film nous fait pénétrer également dans l'intimité du gang de la cité, nous montrant leurs méthodes pour se faire du pognon et faire valoir leur autorité. A l’antipode de ce vilain monde, il y a le personnage de Djibril, un jeune homme brillant et sérieux qui étudie le droit pour devenir avocat.

            Compte tenu du sujet, les situations et les dialogues se veulent réalistes. Les interprètes utilisent d'ailleurs le jargon local (pas toujours compréhensible), et dans les saynètes quotidiennes, les enfants ont parfois été invités à improviser. Les rôles adultes quant à eux sont joués par des acteurs professionnels.

            Petits et grands acteurs ne sont pas toujours à la hauteur, mais on se réjouit tout de même de leurs petites lacunes, car de nombreuses situations sont traitées avec une certaine dérision. L’humour émaille d’ailleurs tout le film, surtout que les auteurs souhaitent montrer que la cité est aussi un lieu agréable à vivre.

            Cependant, il ne s’agit pas d’en occulter les mauvais côtés. De ce point de vue, le film montre bien comment la présence du gang s’immisce immanquablement dans les foyers de la cité, résultant parfois dans des situations tragiques. Au bout du compte, malgré tout l’humour déployé, malgré les intentions des concepteurs du film, on en retient qu’il ne fait pas si bon vivre dans la cité…     

            Là où le film fait fort, c’est qu’il s’abstient délibérément de présenter l’angle sous lequel la population issue de l’immigration est opprimée par la société française, mais qu’il s’attache au contraire à montrer que les protagonistes ont eux-mêmes des préjugés communautaires : victimisation à outrance, dilemmes posés par les couples mixtes. Dommage que les situations ne soient pas toujours crédibles, et que la narration tende à privilégier le point de vue masculin, ne rendant absolument pas compte de ce qu’est le quotidien d’une fille dans une cité.

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