Shane Black : Iron Screenwriter

Shane Black : Iron Screenwriter

Dans deux semaines sort le 3e épisode de la saga Iron Man, toujours avec Robert Downey Jr, Gwyneth Paltrow et Don Cheadle. Un épisode dont les différents trailers promettent un film bien différent des deux précédents, et surtout d’une qualité bien supérieure. Cet espoir, il faut le relier à un nom : son réalisateur et co-scénariste Shane Black. Un homme, dont le parcours ressemble étrangement à celui d’un super-héros, notamment à celui qui nous intéresse.

Une affiche du film montre Tony Stark dans on armure, abimée, entrain d’être détruite, tombant dans le vide. Une autre montre le même personnage, avec l’armure dans le même état, un genou à Terre, avec l’air de revanche. Enfin, à la fin du trailer, on voit Robert Downey Jr seul, la nuit, dans la neige, transportant son armure en plusieurs morceaux. Signe que ce troisième volet s’axera sur une chute, puis une renaissance de son héros, similaire à celle qu’a connu son auteur il y a une quinzaine d’années, et qui reste toujours aussi incroyable, vu son talent et ce qu’il a apporté au cinéma hollywoodien.  

Car au début des années 90, Shane Black était tout simplement le scénariste le plus célèbre et le plus prisé à Hollywood (il vendait ses scripts pour plusieurs millions de dollars), mais surtout l’un des plus talentueux. Quiconque a vu L’Arme Fatale, Le Dernier Samaritain et Au Revoir à jamais sait qu’il ne doit pas leur grande qualité en priorité à leurs réalisateurs respectifs (Richard Donner, Tony Scott et Renny Harlin), mais bien à la plume inspirée de leur unique (ce qui devenait déjà rare à l’époque) scénariste. Car c’est en prenant des archétypes du cinéma américain, et en leur donnant une humanité presque inédite que Black a donné une dimension autre à ses scripts. Presque en même temps que John McClane, il y eut Martin Riggs, flic brillant et ancien des forces spéciales au Vietnam, traumatisé par la mort de sa femme et au bord de suicide dés qu’il quitte sa fonction de flic (le personnage a été immortalisé par Mel Gibson, notamment dans la scène ci-dessous).

http://www.youtube.com/watch?v=UpOqkz86_lg

Peu après il y a Joe Hallenbeck, ancien héros des services secrets (il a sauvé le Président des Etats-Unis d’une tentative de meurtre), devenu un détective privé  paumé et alcoolique après s’être fait virer pour avoir frappé un Sénateur, et cocufié par sa femme, mais dont il reste profondément amoureux. Et enfin Samantha Caine, ancienne tueuse professionnelle devenue amnésique, qui se découvre finalement des penchants maternels. Black a inventé un style qui lui est propre, et dont les codes sont identifiables instantanément (duos de loosers, punchlines dévastatrices, action totalement scénarisée, ambiance de film noir, scènes de torture violentes). Comment un auteur si talentueux et célèbre a-t-il alors pu connaître une telle descente aux enfers ?

Nous sommes en 1989, et suite au carton de L’Arme Fatale, Joël Silver commande à Shane Black le scénario de la suite. Ce qui tombe bien puisque, lors de l’écriture du premier script (alors qu’il était âgé de 22 ans !), Black avait déjà en tête une histoire pour une suite. Black livre alors au studio le script, où Martin Riggs meurt à la fin. Une fin rejetée, que le scénariste refuse de réécrire, argumentant qu’il s’agit de la seule fin possible pour le personnage. Il est alors remplacé, son scénario est profondément modifié (Leo Getz devient un side-kick, alors qu’il n’apparaissait que dans une scène dans le script de Black), seule l’histoire (le trafic de monnaie sud-africaine), le lien avec le premier film (Riggs qui retrouve le tueur de sa femme), et la dernière demi-heure transformant Riggs en ange-exterminateur sont gardés.

Cet échec personnel, suivi de celui du Dernier Samaritain, et des bides de Last Action Hero (qu’il a réécrit) et Au Revoir à jamais, vont plonger Black dans plusieurs années noires, où il se retrouve seul (enfin, avec l’alcool), à errer dans les collines de Los Angeles, ou dans sa maison qu’il loue occasionnellement pour des tournages (anecdote racontée par un acteur de la série X-Files). Il s’est retiré du cinéma, une industrie et un système qu’il aura détesté, pour sa propension à ne pas laisser s’exprimer les auteurs, et à modifier pour un oui ou pour un non n’importe quel script qui arrive sur la table d’un studio, comme il déclarait en 1999, « Si vous prenez les films qui ont rapporté le plus d'argent de l'histoire du cinéma, Les Dents de La Mer, Star Wars, ou Le Parrain, et que vous faites comme s'ils n'avaient jamais existé; si vous allez voir un studio et entrez dans le bureau des producteurs avec ces scénarios que personne n'aurait jamais lu; et si vous les posez sur la table... Et que vous leur demandez : "Qu'est ce que vous en pensez ?", ils vous répondront : "Nous voulons bien les acheter. Mais nous allons les réécrire". »

La renaissance va être longue, mais va arriver par l’intermédiaire du réalisateur James L. Brooks, ami de Shane Black, qui lui offre un bureau et une machine à écrire pour le relancer, et le sortir de sa dépression. Mais Black est terrifié à l’idée de devoir écrire un script comme celui de ses précédents, qui appartiennent à un système qu’il déteste. Il se voit écrire une comédie, comme celles de son ami, mais ce dernier parvient à le convaincre qu’il n’est pas fait pour cela, et qu’il le voit plus écrire un film noir dans la veine de Chinatown. C’est le déclic pour Shane Black, « C’est à ce moment-là que je me suis détendu, et j’ai eu l’idée de Kiss Kiss, Bang Bang, à savoir celle d’un film qui serait, en quelque sorte, le bâtard de James L. Brooks et Joël Silver ! ».

Kiss Kiss, Bang Bang sera aussi le premier film en tant que réalisateur de Black. Le film montre que l’auteur n’a pas perdu sa plume, toujours aussi inspirée, mélangeant ses codes personnels (purs loosers en duo, scène de torture, gunfight final) à une comédie romantique touchante, dont les dialogues toujours aussi savoureux et les scènes comiques, fonctionnent à merveille. Il s’est révélé en même temps comme un réalisateur doué, aussi inspiré avec la caméra qu’avec un stylo. C’est enfin la rencontre entre le scénariste de Robert Downey Jr, ce dernier proposera à la Marvel de l’engager comme réalisateur pour Iron Man 3.

Un vrai parcours de super-héros, que l’on devrait retrouver dans le film. Ce qui n’est pas une surprise, tant Shane Black a reflété sa propre vie à travers ses différents scripts. La fougue et l’inconscience de Martin Riggs reflètent celle de Black lui-même au début de sa carrière, l’état d’esprit cynique et déprimant de Joe Hallenbeck (« personne ne t’aime, tout le monde te hait, t’es qu’une ruine…espèce d’enfoiré » dit le personnage en se regardant lui-même dans son rétroviseur) reflètent l'auteur après son échec sur L’Arme Fatale 2. Enfin, le personnage d’Harry Lockhart (Robert Downey Jr dans Kiss Kiss, Bang Bang) est l’alter-ego du scénariste/réalisateur, qui s’incrustait lui-même dans son film à travers la voix off du personnage.

Il ne serait alors pas étonnant de retrouver des aspects très personnels de l’auteur à travers le personnage de Tony Stark, ce qui ferait du film bien plus qu’une simple adaptation du comic book, comme ce que l’on pouvait craindre à l’annonce du projet. Mais les différentes images du film, ainsi que le talent de son réalisateur et co-scénariste, incitent à penser qu’Iron Man 3 sera l’une des grosses surprises de cette année 2013.

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