Critique du film "Tusk"

Si Red State avait démontré de façon assez impressionnante la capacité de Kevin Smith à faire muter son cinéma, Tusk marque une nouvelle étape dans sa volonté de se renouveler. On avait rarement vu aussi brillante reconversion. Tout comme cela fait longtemps qu’un authentique film d’horreur n’avait pas autant atteint son but. Le cinéaste a vendu son film comme de l’herpes, et le qualificatif est on-ne-peut-plus juste.

 

Le cas de Kevin Smith est assez symptomatique de l’évolution du cinéma indépendant américain. Ayatollah de la culture geek et pape de la comédie US dans les années 90, il a subi sur ses derniers films un contre-coup retentissant. Résultat des courses : un Top Cops saisissant de cynisme et d’opportunisme. Comme pour renaître, s’expurger, le réalisateur de Clerks entreprend un chemin de croix inversé à l’habituelle évolution hollywoodienne. Alors que beaucoup de cinéastes débutent par le genre horrifique (formateur et peu onéreux) pour s’en écarter par la suite, Kevin Smith décide de s’y jeter corps et âme. Cette décision, curieuse et radicale, mène à l’excellent Red State ; que le cinéaste distribuera seul et à la force de ses bras. Si l’on reconnaît sans mal la patte du cinéaste dans l’importance donnée aux dialogues, l’esthétique froide et le montage d’un dynamisme rare éloignent le film de ses habituelles productions. De quoi envisager une suite de carrière des plus intéressantes !

Pour ceux qui l’ignorent encore, Tusk est adapté de l’épisode The walrus & The Carpenter de la série de podcast SModcast de Kevin Smith et Scott Mosier. Suivant le parcours d’un podcaster à la poursuite d’une histoire à partager, le film marque une nouvelle étape dans la mutation du cinéaste. Plus que jamais, Smith livre une comédie drôle et formidablement dialoguée. Assurément hilarant, le film pénètre pourtant sur le terrain miné du mélange des genres. Alors que Red State jouait la carte de la césure à mi-film, Tusk égratigne sa comédie à l’aide de fulgurances horrifiques étonnantes. Jamais gratuits, ces instants de lyrisme gore et de poésie macabre participent à mettre à mal le bien-être du spectateur. Malsain et dérangeant, Tusk se dévoile comme un spectacle profondément viscéral et écoeurant. En ces temps d’horreur « PG 13 », l’impact est d’autant plus fort qu’on ne s’y attendait pas. 

Mais plus qu’un simple shocker provocant, le film affiche une infinie richesse. La narration est à ce point d’une réussite implacable, qu’elle ne permet jamais d’anticiper la direction dans laquelle le film s’aventurera. Mené par des acteurs exemplaires, Tusk permet surtout à Justin Long de s’imposer une bonne fois pour toute. Il fait de Wallace, symbole d’une réussite 2.0, un être aussi méprisable qu’attachant, destin tragique qui prend aux tripes autant qu’il réjouit. Profondément humain, n’en déplaise à ses détracteurs, Tusk est un vrai film de personnages dont les audaces visuelles et narratives ne servent qu’à déconstruire ce portrait édifiant d’un personnage fascinant.

 

Grâce à ses exploits de maquillage (dont certaines images continueront d’hanter nos esprits), la réussite d’une mise en scène qui parvient à être aussi crue qu’élégante, et l’efficacité d’un montage ayant tout compris des préceptes narratifs; Tusk figure comme le plus beau, au sens propre, film de Kevin Smith. Avec ce spectacle cruel, régressif et jusqu’au-boutiste, il signe une oeuvre adulte tout en dévoilant une seconde jeunesse jubilatoire. Le point de départ d’une nouvelle carrière ?

Tusk - Affiche
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Critique du film "Tusk"

Direct-to-video : 11 mars 2015
Un film de : Productions :
Demarest Films
Scénario : Avec : Durée :
01h42

Compositeur : ---
Budget :
$ 2 000 000

Box-office mondial : ---
Classification : ---
Titre original : ---
Saga : ---

Un célèbre podcaster rend visite à un vieil homme totalement fasciné par les morses. La rencontre va très vite dégénérer...

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