Spectre

C’est toujours difficile de parler de la sortie du nouveau James Bond, tant le plan Marketing et l’engouement général pour chaque nouveau film de la franchise rend difficile toute critique un tant soit peu nuancée. En effet, à chaque James Bond, la même musique revient inlassablement : voici le meilleur épisode de la saga. Ainsi, ce Spectre est considéré par la majorité de la critique (moins par les fans, il faut l’admettre) comme le meilleur épisode de la saga, comme l’était déjà considéré avant lui Skyfall, comme également Casino Royale lors de sa sortie (l’auteur de ces lignes le considère pourtant comme l’un des 3 pires de toute la saga).

Mais en y mettant un peu d’objectivité, il faut se rendre à l’évidence : depuis Au Service Secret de sa Majesté, la franchise James Bond n’a plus produit un seul grand film, c’est-à-dire depuis 1969. Depuis, la saga a largement baissé son niveau d’exigence artistique, et assure son succès grâce à un cahier des charges respecté scrupuleusement : scènes d’action et cascades spectaculaires, décors variés, Bond  qui drague et fait l’amour à plusieurs femmes, tue un type et fait une blague ensuite, et un face à face attendu avec un méchant généralement réussi. Le cahier des charges est respecté, et les spectateurs sont au rendez-vous, que le film soit réussi ou non.

En revanche, et quelle que soit la qualité des films, il y a bien une chose à laquelle n’avaient pas dérogé les producteurs, c’est bien le personnage de James Bond lui-même. Véritable produit d’un fantasme masculin insensible aux critiques, emblème évident de la masculinité à l’écran, le personnage de James Bond, de Sean Connery à Timothy Dalton, se caractérisait par son flegme, son caractère solitaire, sa détermination, sa loyauté envers la couronne, sa virilité flirtant avec le machisme, son absolue confiance en lui, sa propension à « prendre » qui il veut, quand il veut, et son absence totale d’états d’âme. C’est alors que Goldeneye débarque et que les producteurs décident d’adapter le personnage à son époque, c’est-à-dire notamment de le sensibiliser. Ainsi, le Bond de Goldeneye (qui fit hurler bon nombre de bondophiles à l’époque de sa sortie) est un homme pétri de doutes, qui reste assis sur une plage à regarder la mer car il déborde de tristesse à l’idée de tuer un traitre à la nation car il fut son ami, hésite avant de tuer l’un des méchants, se laisse faire la morale par la James Bond girl, et se fait limite violer par l’autre personnage féminin du film. Une évolution perçue comme une trahison par de nombreux fans de la franchise.

Loin de faire un retour en arrière, la famille Broccoli (producteurs de la saga) décide même d’aller encore plus loin avec l’arrivée de Daniel Craig dans la peau de l’agent 007. Profitant du retour aux sources de l’agent secret (Casino Royale raconte les débuts de James Bond),  ces derniers décident de sensibiliser encore plus le personnage, de le faire déborder de sentiments, jusqu’à devenir amoureux (ce qui n’arrive qu’une fois dans l’histoire du personnage), et vont jusqu’à utiliser le personnage de M, sa supérieure hiérarchique, comme une mère de substitution, et ce, alors qu’ils essaient en même temps de faire revenir le tueur froid des débuts. Ainsi, Casino Royale et  Quantum of Solace, en plus d’être de très mauvais films, se caractérisaient par une incohérence assez incroyable concernant le personnage de James Bond, qui pleure la perte d’une femme mais en saute une autre la minute qui suit, ou qui bute un homme de sang froid mais hésite à éliminer le suivant. Un vrai grand-huit incompréhensible, qui s’est poursuivit avec Skyfall, le métrage allant jusqu’à psychanalyser le personnage.

Néanmoins,  si Skyfall était un film rageant pour son traitement incohérent du personnage, il s’agissait d’une véritable surprise, se posant comme un pur film d’action spectaculaire à l’exécution formidable, bien loin du minimum syndical imposé depuis Les Diamants sont éternels. En plus d’un Daniel Craig de plus en plus à l’aise dans la peau de l’agent secret, on devait cette réussite à la présence, pour une fois, d’un réalisateur doué, à savoir Sam Mendes, qui construisait des séquences formellement réussies, grâce à une mise en scène précisé, élégante et sans effets de style artificiels, et surtout grâce à l’hallucinante photographie de Roger Deakins, Directeur de la photographie des frères Coen, sans aucun doute la plus belle vue au cinéma depuis de nombreuses années. Et, pour ce nouveau film, Mendes étant toujours réalisateur, on pouvait s’attendre au moins à un James Bond aussi exigeant formellement, et si possible plus cohérent dans sa narration. Mais après un Skyfall assez réussi dans l’ensemble (mais loin d’être un grand film, tout de même), la peur de revoir la franchise retomber dans ses travers était grande.

L’introduction de ce Spectre laisse pourtant augurer du meilleur pour ce nouvel épisode, le film démarrant par un superbe plan-séquence de plusieurs minutes, construit en plein Mexico, au milieu de milliers de figurants, qui introduit à la fois le personnage de Bond dans l’histoire et déclenche une scène d’action spectaculaire, dans la grande lignée de la saga. C’est d’ailleurs même toute la première heure du métrage qui renoue avec la saga en général, reprenant tous les passages obligatoires d’un Bond : l’engueulade avec M, le passage chez Q, des passages d’infiltration, et surtout une scène d’amour avec Monica Bellucci où Craig s’inscrit enfin dans la grande lignée de ses prédécesseurs, montrant à la fois un vrai flegme et une vraie virilité, pour ce qui est l’une des meilleures scènes du film. Et le film signe enfin le retour de l'organisation mythique de la saga James Bond, celle qui donne son nom au film : le Spectre, et son leader, Blofeld. S'il ne s'agit pas du film le plus marquant mettant en scène le Spectre et Blofeld, le film parvient à bien retranscrire le mystère autour de l'organisation, reprenant même le fameux passage obligé du membre du spectre assassiné, car ayant fauté, ce qui titille légèrement la nostalgie de tout fan de James Bond.

Le problème est qu’une fois la première heure passée, le film perd en cohérence et en imagination. Si plusieurs scènes hommages aux grands passages de la saga font plaisir (notamment cette scène de baston entre Craig et Dave Bautista dans un train, rappelant l’affrontement entre Sean Connery et Robert Shaw dans Bons Baisers de Russie), le scénario reprend de nombreux passages…des autres films de Craig ! Toute l’intrigue sur la possible disparition du programme double zéro, la problématique sur la surveillance, le déroulement de l’intrigue, la scène de torture, l’histoire d’amour avec Léa Seydoux, tout ça a déjà été vu dans les précédents Daniel Craig, notamment Skyfall.

Ce qui fait que l’on a très souvent l’impression de revoir Skyfall en plus long, moins beau et moins bien réalisé. En effet, le film dure 2 heures 30, et aurait largement pu être coupé de 20 minutes. L’absence de Roger Deakins se fait cruellement sentir, bien que la photographie de Hoyte Van Hoytema (chef opérateur de Morse et La Taupe) soit de qualité et parvienne à retranscrire l’atmosphère générale du film, Deakins parvenait sur Skyfall par la seule beauté stupéfiante de ses éclairages à captiver le spectateur tout le long du film. Enfin, Sam Mendes semble avoir pris son film bien plus à la légère que le précédent. Alors que Skyfall possédait une mise en scène élégante, et que Mendes parvenait à mettre en place des scènes d’action spectaculaires, filmées sans artifices et de façon très lisible, ici il cède notamment très facilement aux standards actuels énervants, les scènes d’action étant filmées la plupart du temps en gros plan, avec une caméra qui tremble les trois quarts du temps, ce qui gâche légèrement les scènes d’action.

Doit-on conclure que ce Spectre plonge dans la médiocrité qui caractérise quelques épisodes de la saga ? Non, le film est loin d’être mauvais, et reste un film d’action qui se laisse suivre agréablement, et même si sa fabrication est légèrement décevante comparée au précédent, elle reste bien supérieure à la majorité des films de la saga. Le film retrouve même les éléments qui font le charme général de la saga James Bond,  sans autre véritable ambition que de proposer un spectacle agréable, rythmé, mêlant humour, drague et action à la manière des Bond des années 70 et 80 jusque dans certains passages tout droits sortis de cette période (une scène d’amour qui suit une scène de baston, entrecoupées d’un simple « bon, qu’est ce qu’on fait ? »).  Ce Spectre, bien que plus sérieux et noir dans son atmosphère, retrouve le charme et se laisse suivre sans être génial comme la majorité des films de la saga.

Dommage que la James Bond girl gâche quelque peu la vision du film, car il faut bien dire que Léa Seydoux risque de rejoindre la liste des femmes les moins marquantes de la saga, tant son personnage est plat et son interprétation loin d’être aussi mémorable. Hormis cette erreur de casting, les autres interprètes sont globalement convaincants, et le duel entre Daniel Craig et Christoph Waltz tient ses promesses.

Au final, comme les douze précédents James Bond annoncés comme « le meilleur de la saga » Spectre est bien loin d’arriver au niveau des plus grands films de la franchise, et donne malheureusement un peu trop souvent l’impression de revoir Skyfall mais en moins beau. Mais le film n’en reste pas moins un film d’action efficace, qui se laisse suivre facilement, et qui offre à son spectateur son lot d’humour, de drague et d’action, et ce, sans aucune autre prétention que de proposer un spectacle de qualité à son spectateur, à la manière des derniers films Mission : Impossible. Encore un petit effort, et James Bond pourra de nouveau concurrencer la saga de Tom Cruise.

Spectre - Affiche
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Spectre

Sortie cinéma : 11 novembre 2015
Un film de : Productions :
Columbia Pictures, Metro-Goldwyn-Mayer
Scénario : Avec : Durée :
02h30

Compositeur :
Budget : ---
Box-office mondial : ---
Classification : ---
Titre original :
Spectre

Saga :

Un message provenant du passé de Bond envoie celui-ci sur la piste d’une sinistre organisation. Pendant ce temps, M se débat avec les autorités britanniques pour que les services secrets restent actifs.
James Bond découvre peu à peu la terrible vérité derrière S.P.E.C.T.R.E.

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