Critique du film "Projet Almanac"

En dépit d’un titre qui illustre une filiation évidente avec le film de Robert Zemeckis, Projet Almanac en symbolise peut être l’antithèse. Reproduisant tout ce qui gangrène le cinéma de divertissement populaire moderne, le premier film de Dean Israelite aura payé par son insuccès au prix fort le cynisme entourant sa mise en chantier.

Un lycéen retrouve dans sa cave un projet de machine temporelle conçu par son défunt père. Un pitch de départ fleurant bon le teen-movie fantastique des années 80, évoquant aussi bien Retour vers le futur 2 bien sûr, que le Weird Science de John Hughes ou encore L’Expérience Interdite de Schumacher. Un film qui ironiquement apparait lui aussi comme l’influence évidente d’une autre production récente, le futur Lazarus Effect. Deux propositions de cinéma différentes, mais guidées par la même volonté de surfer sur les hits récents. On retrouve à leurs tête deux producteurs aux ambitions symptomatiques des errances contemporaines : Jason Blum d’un coté, et Michael Bay dans le cas qui nous concerne. Avec sa société Platinum Dunes, le cinéaste s’est proposé depuis plus d’une décennie d’apporter sa pierre à l’édifice d’un cinéma de genre qui semblait ne plus intéresser grand monde. Se cantonnant dans un premier temps aux remakes d’oeuvres horrifiques des années 80, Platinum Dunes s’est ouvert dès l’année dernière à un cinéma plus familial avec le Ninja Turtles de Jonathan Liebesman, cousin de Dean Israelite.

De tout ça, il devient évident que le passage derrière la caméra du jeune réalisateur s’impose comme un pacte avec la société mère, lui imposant (ou de son choix lui-même) un respect strict des règles établies. L’utilisation du found-footage apparait donc une fois de plus comme une tentative vaine d’apporter à la fois de la modernité à un récit finalement horriblement classique et banal, ainsi que l’espoir d’attirer la plus grande masse de spectateurs. Une récupération marketing qui se retrouve dans chacun des choix du film, comme celui de placer au coeur du récit la soif de popularité de ses personnages et de faire d’un festival de musique sur lequel se produit Imagine Dragons (en caméo, bien entendu) l’un des enjeux majeurs.

Si Chronicle, influence logique du producteur, avait su adroitement tirer partie de ces contingences en les transformant en éléments scénaristiques indissociables de ses personnages (comme le narcissisme de Dane DeHaan), Projet Almanac rate littéralement le coche. La faute en grande partie à un scénario paresseux, hésitant constamment entre légèreté et gravité, et peinant à faire de ses personnages autre choses que des entités crétines. Il faut voir avec quel désintérêt est évacuée la piste sur la disparition du père, alors qu’on nous laissait supposer qu’il s’agirait d’une motivation supplémentaire et intime pour le personnage. D’ailleurs, là encore, de remarquables problèmes d’écriture sont à souligner : Alors que ce dernier est présenté comme doté d’une intelligence assez exceptionnelle, réussissant à l’aide de ses amis non moins futés à achever l’invention de son père (et à révolutionner le monde, tout simplement), ses seules préoccupations ne volent pas plus haut que les ados libidineux de American Pie. Amenez des food truck au lycée, votre côte augmentera à coup sûr ! C’est bien peu, pour un futur étudiant du MIT.

La présence de MTV à la production pourrait être l’un des éléments expliquant le peu d’intérêt du réalisateur pour ses personnages. Pourtant, au détour de quelques scènes, l’histoire d’amour qui se dessine relance l’intérêt du spectateur. Derrière ses oripeaux de film d’ado, on sent venir une possible dimension tragique dans l’idée qui motive la dernière partie du film. Dommage encore une fois que la faiblesse d’écriture empêche le spectateur de s’impliquer pleinement, de même que la mise en scène found-footage prive le film d’envolées qui aurait pu lui donner plus d’impact. C’est d’ailleurs cette même mise en scène qui conditionne l’un des principaux défauts du film, le réalisateur essayant constamment de justifier la présence de sa caméra. Les personnages se succèdent donc à ce poste de metteur en scène bis, se vidant encore un peu plus du peu de leur substance pour ne devenir que des accessoires permettant de couvrir de nouveaux angles. Sans compter la présence de musique extra-diégétique et donc totalement hors propos, Projet Almanac s’ajoute à la longue liste des found footage ne parvenant jamais à tirer parti de leur forme.

Heureusement, et c’est peut être ce qui sauve le film de l’anonymat intégral, la conclusion étonne parce qu’elle parvient à concilier dans un dernier sursaut narratif à la fois l’inéluctabilité du temps et la nature de found footage du métrage. Une dernière note positive pouvant même justifier quelques uns des partis pris du réalisateur à l’encontre de l’architecture narrative du film. C’est bien, mais c’est finalement peu face à l’armada de problèmes qui jalonnent un métrage qui aurait, en outre, gagné à voir sa durée réduite de 30 minutes pour se recentrer sur les éléments qui en font sa force.

Qui faut-il donc condamner ? Un réalisateur atterrit peut être par hasard sur une production qui ne l’attendait pas ? Des scénaristes joker tellement remarqués par le studio qu’ils leur auront confié le futur Paranormal Activity ? Ou encore un omniprésent producteur plus préoccupé à observer ses contemporains qu’à laisser le film évoluer là où il le devrait ? Plein de questions, mais aucune véritable réponse. Heureusement, l’échec commercial (relatif) du film pourrait peut être permettre au genre de se restructurer une nouvelle fois. Espérons que ce soit pour le meilleur.

 

Projet Almanac - Affiche
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Critique du film "Projet Almanac"

Sortie cinéma : 25 février 2015
Un film de : Productions :
Paramount Pictures
Scénario : Avec : Durée :
01h46

Compositeur : ---
Budget : ---
Box-office mondial : ---
Classification : ---
Titre original :
Project Almanac

Saga : ---

Un groupe d'adolescents trouve le moyen de voyager dans le temps. Tout à la joie d'expérimenter leur invention, ils en oublient que leur comportement dans le passé peut avoir des conséquences désastreuses sur le présent et l'avenir.

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