Critique du film "Pacific Rim"

    A l'aune des bides financiers provoqués par After Earth et Lone Ranger, une série d'échecs initiée par celui désormais tristement célèbre de John Carter, les blockbuster originaux (entendre par là qu'ils ne font pas partie d'une franchise, qu'ils ne sont ni suite, ni reboot, ni remake, autrement dit une qualification pas tout à fait adapté à Lone Ranger, mais passons) semblent condamnés à disparaître. Les nombreuses prédictions au sujet de l'insuccès de Pacific Rim sont toutes identiques (et confirmées depuis plusieurs jours), et pourtant la Warner semble croire dur comme fer au potentiel de son nouveau poulain. C’est que la carrière de Guillermo Del Toro ne lui assura que très rarement les faveurs des studios ou du public, ce dernier ayant toujours affiché, même dans ses films les plus grand public, une identité unique dans le paysage cinématographique hollywoodien le mettant à l'écart et l'empêchant finalement de mener à bien ses projets rêvés (Hellboy 3 est partie pour ne jamais se faire, Les montagnes hallucinées annulées malgré le soutien de Tom Cruise et James Cameron). Le voir à la tête d'un film annoncé comme le potentiel dernier représentant du blockbuster original ainsi qu'une tentative de ramener une culture étrangère au cœur d'un divertissement américain, le tout emmené par une troupe d'acteurs loin d'être bankable, a comme un goût de défi et transforme ce projet audacieux en pari périlleux et limite suicidaire de la part d'un studio ayant investi plus de 180 millions de dollars.

 

    Malgré l'ampleur budgétaire et la présence d'un co-scénariste/instigateur qui laissait craindre que le talentueux Guillermo avait décidé d'abandonner le combat (l'annonce d'une conversion 3D d'abord conspuée par le cinéaste puis étrangement adoubée en rajouta une couche), il ne suffit pourtant que de quelques plans pour comprendre que Pacific Rim est bien le film d'une vie, au même titre que pu l'être King Kong pour Peter Jackson ou Spiderman pour Sam Raimi. Comme le dit l'un des personnages du film à un autre « Tu cherches à donner un sens à ta vie de fan », Del Toro ne se cache même plus. Mettant toutes ses obsessions au centre du film, se réappropriant ses influences jusqu'aux plus diverses et ce avec un respect absolu, faisant se côtoyer Jurassic Park et Le Sabreur manchot, ou encore le film de Kaiju avec des créatures Lovecraftiennes en diable, le cinéaste livre un concentré de sa personne qui rend ce mélange composite finalement totalement cohérent. En créateur de films-mondes, il met en image son propre univers qui nous éclate en pleine figure et ce jusque dans ses plus grands excès, mais la sincérité et la générosité de Del Toro se ressent à chaque plan et rarement il a été donné de voir un cinéaste croyant autant aveuglément en son projet. 

     Aidé par le sublime travail de son comparse de toujours, Guillermo Navarro, Del Toro réussit à créer de toute pièce un univers géantissime qui, s'il est nourri de la propre culture de son auteur, réussit à captiver par sa densité et sa beauté  Et il s'en serait rien sans la mise en scène du cinéaste qui, en jouant comme personne des tailles et des distances et en utilisant l'architecture de ses décors comme des éléments de mise en scène à part entière, fait preuve d'un ludisme et d’une intelligence rare qui atteint son paroxysme dans des scènes de combat littéralement hallucinantes, lisibles, agressives et de toute beauté qui marquent une nouvelle étape dans l’ampleur du cinéma d'action.

 

    Mais Guillermo Del Toro oblige, la vraie moelle épinière de film se trouve dans l'émotion. L'action se retrouve finalement concentrée en 3-4 grosses scènes avec comme point d’orgue la fameuse scène de Hong-Kong, morceau de bravoure déjà d’anthologie qui marque profondément la rétine et s’impose comme l’une des plus grosses scènes d’action de l’histoire (et voilà, c’est dit). Une action avant tout narrative et qui sert des personnages à l'écriture classique mais redoutable. Un parti pris rappelant Avatar qui faisait lui aussi de l'apparente simplicité de sa structure pour mettre en avant un récit universel et mythologique. En cela, la gestion du rythme et la narration sont en tout point exemplaires. Le casting, hétéroclite au possible, profite de la place accordée aux personnages pour les investir au plus profond. Le couple principal, un Charlie Hunnam suffisamment juste et charismatique pour porter le film et une Rinko Kikuchi attachante de fragilité, fait preuve d'un capital sympathie indéniable. A ce titre, et comme attendu, Idris Elba s'impose comme le plus charismatique de la troupe, un personnage beau et à l'ampleur insoupçonnée qui trouve sa place parmi la galerie de héros du cinéaste. Un personnage qui trouve sa consécration dans un plan flash-black à la beauté sidérante, l'une des plus belles scènes du film qui parvient à utiliser les effets les plus impressionnants pour créer l'émotion la plus humaine.

     Il est ainsi dommage que malgré l'indéniable efficacité d’un thème musical qui reste en tête, fait d'un riff de guitare électrique contrastant  avec le reste des productions musicales hollywoodiennes et procurant son lot de frissons, la composition de Ramin Djawadi ne soit pas beaucoup plus variée, recyclant ce même thème à foison et donnant parfois l'impression d'un remplacement de dernière minute alors que le travail de Marco Beltrami (un des habitués du réalisateur) aurait parfaitement eu sa place ici. Mais la force de ce thème principal est suffisamment prégnante pour fédérer et ainsi faire oublier les scories.

 

     Un spectacle de bruit et de fureur hallucinant emmené par une mise en scène et une direction artistique souvent virtuose qui marque une nouvelle étape dans le blockbuster hollywoodien. Alternant fulgurances poétiques, moments comiques savoureux et scènes d'actions titanesques repoussant les limites du médium (et malgré tout d'une 3D bluffante faisait voler en éclat les particules autour de nous et nous propulsant au cœur de l'action), il n'en oublie jamais d'être avant tout un film de personnages et propose quelques visions poétiques belles à se damner qui prouvent bien que l'homme derrière la caméra est Guillermo Del Toro et personne d'autre. Une oeuvre portant à 100% l'empreinte de son auteur qui parvient à injecter sa personnalité à un film apparemment de commande et réutilisant la plupart de ses grandes thématiques au cœur d’un vrai et grand spectacle de science-fiction qui s'impose en même temps comme le plus grand divertissement de ses dernières années. Oui, Pacific Rim est bien ce qui pouvait arriver de mieux au cinéma d'aujourd'hui.

Pacific Rim - Affiche
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Critique du film "Pacific Rim"

Sortie cinéma : 17 juillet 2013
Un film de : Productions :
Legendary Pictures, Warner Bros. Pictures
Scénario : Avec : Durée :
02h10

Compositeur :
Budget :
$ 190 000 000

Box-office mondial :
$ 536,396,927

Classification : ---
Titre original :
Pacific Rim

Saga : ---

Surgies des flots, des hordes de créatures monstrueuses, les "Kaiju", ont déclenché une guerre qui a fait des millions de victimes et épuisé les ressources naturelles de l'humanité pendant des années. Pour les combattre, une arme d'un genre nouveau a été mise au point : de gigantesques robots, les "Jaegers", contrôlés simultanément par deux pilotes qui communiquent par télépathie. Mais même les Jaegers semblent impuissants face aux redoutables Kaiju. Alors que la défaite paraît inéluctable, les forces armées qui protègent l'humanité n'ont d'autre choix que d'avoir recours à deux héros hors normes : un ancien pilote au bout du rouleau et une jeune femme en cours d'entraînement qui font équipe pour manœuvrer un Jaeger légendaire, quoique d'apparence obsolète. Ensemble, ils incarnent désormais le dernier rempart de l'humanité contre une apocalypse de plus en plus imminente…

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