Il aura suffit d’un film pour mener The Wachowskis au sommet d’Hollywood. Pourtant, la suite de leur carrière fait figure de cas à part dans l’industrie. Si Matrix fit l’effet d’un électrochoc, remodelant les normes visuelles de l’époque, ses suites auront désarçonné le grand public. Mais loin des pétards mouillés que beaucoup envisagèrent, les grandioses Reloaded et Révolutions permirent de redéfinir l’art du story-telling. Un récit d’une densité ébouriffante, adaptation logique des écrits de Campbell, en forme de trois films complémentaires et inséparables.

Un préambule indispensable pour appréhender au mieux Jupiter Ascending. Si beaucoup ne pourront s’empêcher de noter des similitudes thématiques entre les deux oeuvres, leur nouveau film se distingue parce qu’il est l’exact opposé de la densité narrative de son prédécesseur. Au contraire, il s’impose comme un film de l’urgence. Tourné dans la continuité de Cloud Atlas, le film étonne par la concision de son rythme et de ses enjeux. A une époque où la plupart des films du genre étayent une durée conséquente, Jupiter Ascending fait le choix de baser sa narration sur une fuite en avant n’autorisant que peu les arrêts. Comme Speed Racer, c’est dans l’action que s’écrit le récit et qu’évoluent ses personnages. Un modèle de mise en place, qui voit chacun de ses enjeux relancés au fur et à mesure de ses scènes d’action.

Car Jupiter Ascending est avant tout un formidable film d’action, au sens le plus noble du terme. De son morceau de bravoure inaugural dans les rues de Chicago, remettant à leurs place tous les Avengers du monde, à son climax apocalyptique, en passant par des scènes spatiales qui donneront forcément du fil à retordre à J.J. Abrams; le film flatte comme peu d'autres la rétine. Par sa mise en scène d’une précision remarquable, ses audaces visuelles laissant plus d’une fois pantois, et la maitrise d’un découpage et d’un montage conférant une rythmique salvatrice à cette succession de tableaux en mouvements; Jupiter Ascending s’impose comme l’un des morceaux les plus stimulants de ces dernières années. Il faut aussi, et surtout, noter la brillante réussite de Michael Giacchino, qui signe peut être ici sa plus formidable composition. Furieux, épique, orchestrale, son score est un chef-d'oeuvre absolu sans lequel le film perdrait beaucoup.

Jupiter Ascending est aussi le premier véritable film de Lana Wachowski. Un détail qui pourrait sembler anodin, mais qui contamine l’essence du film. Version « girly » de Matrix, le métrage retrace surtout le parcours chaotique de personnages hybrides. Hybride, c’est bien ici que se situe la nature du film, celle qui justifie toutes ses outrances. Dans cet univers où les gênes définissent qui nous sommes, Jupiter (Mila Kunis, logiquement hors propos) et Caine (Channing Tatum, formidable de charisme) cherchent leur place. De là découle un second niveau de lecture, émouvant, et rappelant la facilité qu’ont les Wachowski pour jongler avec des thématiques complexes. Il est ainsi dommage de voir les failles d'une narration trop condensée, laissant certains personnages secondaires disparaître. De même, le multiples ellipses étonnent car elles impliquent des déroutantes facilités scénaristiques auxquelles les Wachowski ne nous avaient jamais habitués.

Des défauts qui amoindrissent que peu un film dont il est bien difficile d'y porter un regard critique. Plus que jamais dans la filmographie des deux cinéastes, le film pousse la suspension d’incrédulité à son paroxysme. Chacun des choix des Wachowski pourraient rebuter. Qu’il s’agisse de design, de choix narratif, du casting… Envisagé comme un conte de fée moderne, le film ne déroge jamais de ce postulat étonnant. Il s’en sert surtout comme d’un réceptacle à un projet bien plus grand, celui d’offrir un regard unique sur le cinéma de science-fiction de ces trente dernières années. Ce qui pourrait s’apparenter à de simples clins d’oeil libère en fait le film de tergiversations inutiles. Faisant de la culture populaire un instrument narratif et la base de son univers, Jupiter Ascending se pose en véritable film-somme. Et pourtant, malgré ce melting-pot d’influences, la cohérence de cet univers hétéroclite laisse sans voix. D’audaces en audaces, les Wachowski tentent et vont jusqu’au bout de leurs choix.

Space-opéra, film d’action, conte de fée, Jupiter Ascending est tout ça à la fois. Après Speed Racer et Cloud Atlas, les deux cinéastes persistent dans leur radicalisation. Comme si le succès du premier Matrix était un heureux accident, les cinéastes se posent en maîtres d’un cinéma populaire qui est tout sauf populaire. Forcément, le bide est à prévoir. Alors que la plupart des blockbusters se cantonnent à correspondre aux codes de leurs époques, plus encore aujourd’hui avec une standardisation affolante, les Wachowski font figure de résistants. Si le box-office ne leur pardonnera sûrement pas, on les remercie pour ce vent d’air frais profondément réjouissant. Faisant fi d’un anachronisme exaltant, entre avant-gardisme et kitch assumé, Jupiter Ascending s’impose forcément comme l’un des monuments de ces dernières années.

Jupiter : Le Destin de l'Univers - Affiche

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Critique du film "Jupiter : Le Destin de l'univers"

Sortie cinéma : 04 février 2015

Science-fiction

Un film de :

Lilly Wachowski, Lana Wachowski

Productions :

Warner Bros. Pictures

Scénario :

Lilly Wachowski, Lana Wachowski

Avec :

Channing Tatum, Mila Kunis, Sean Bean, Eddie Redmayne, Douglas Booth, Tuppence Middleton, Gugu Mbatha-Raw, James D'Arcy, Vanessa Kirby

Durée :

02h05

Compositeur :

Michael Giacchino

Budget : ---
Box-office mondial : ---
Classification : ---
Titre original :

Jupiter Ascending

Saga : ---

Née sous un ciel étoilé, Jupiter Jones est promise à un destin hors du commun. Devenue adulte, elle a la tête dans les étoiles, mais enchaîne les coups durs et n'a d'autre perspective que de gagner sa vie en nettoyant des toilettes. Ce n'est que lorsque Caine, ancien chasseur militaire génétiquement modifié, débarque sur Terre pour retrouver sa trace que Jupiter commence à entrevoir le destin qui l'attend depuis toujours : grâce à son empreinte génétique, elle doit bénéficier d'un héritage extraordinaire qui pourrait bien bouleverser l'équilibre du cosmos…

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