Critique du film "Hacker"

En un plan vertigineux, entièrement animé en images de synthèse, Michael Mann pousse la radicalité de son cinéma à son paroxysme : Il crée littéralement l’environnement numérique, donnant corps et chair à des données binaires. Une scène hallucinante en guise d’ouverture, et qui trouvera un écho troublant dans un plan final désabusé et lourd de sens. A la question de savoir si Hacker (Blackhat) est une oeuvre majeure du cinéaste, il faudrait déjà réhabiliter ses précédents films et admettre le lien ténu qui peut lier Heat de Miami Vice. Une filmographie en perpétuelle mutation dont Hacker constitue le plus brillant des aboutissements.

Le hasard des calendriers aura permis au film d’atteindre les salles après le Sony Hack, qui a littéralement mis à terre l’un des géants de l’industrie hollywoodienne. Ou la démonstration aux yeux de monde de la toute puissance de ces braqueurs d’un nouveau genre. Pour une fois, le temps aura rattrapé Michael Mann, rendant son film d’actualité alors qu’il se serait voulu d’anticipation. Plus que jamais, le cinéaste y dresse un témoignage profond de notre époque et de l’indicible état de notre condition.

Mélancolique à souhait, Hacker prolonge le travail entrepris sur Miami Vice, aussi bien dans son accomplissement visuel que dans ses surprenants partis pris narratifs. Nicholas Hathaway y est une entité Mannienne à part entière, électron libre s’apparentant à une version moderne du Frank du Solitaire. S’étant servi de sa longue peine de prison pour entretenir sa forme et son intellect  dans l’espoir de pouvoir survivre à son retour à la civilisation, il offre à Chris Hemsworth un rôle d’une rare intensité. L’acteur y est totalement à sa place, jouant avec son image pour dévoiler un véritable charisme cinégénique. Après Rush, il confirme les espoirs placés en lui et l’étroitesse dans laquelle le retient le costume du dieu nordique.

Hacker renoue surtout avec la dense galerie de seconds rôles que le cinéaste aimait dessiner par le passé. Viola Davis, Holt McCallany, Wang Lee-hom et Tang Wei forment une troupe internationale toujours juste, dont l’importance donnée aux moindres gestes et regards conditionne l’évolution du récit. A ce titre, le trio principal apporte une dimension romanesque véritablement touchante, donnant encore plus d’impact au dernier tiers du film lorsqu’il se voit dévier de sa trajectoire pour se muer en un revenge movie enragé. Comme dans Miami Vice, le cinéaste délaisse les tenants et aboutissants de son intrigue pour basculer dans un drame humain et romantique, éternelle fuite de deux êtres à travers un espace mondialisé qui ne connait aucune barrière. Un climax déchainé, entre explosion de rage et lyrisme moderne, où les personnages agissent comme des entités fantomatiques au milieu d’une procession indonésienne onirique et rectiligne, tel ces flux de données envahit par un malware invisible.

Le film déploie évidemment toute sa force par la mise en scène de Michael Mann, plus que jamais à la lisière d’un cinéma profondément expérimental et sensoriel. Sa maîtrise du numérique et de la caméra HD atteint un degré tel que le film est un véritable ravissement pour les yeux, offrant quelques tableaux d’une remarquable beauté. Il utilise toute la surface de son cadre pour capter le moindre détail, jusqu’à se servir des bords de l’image comme d’un élément de suspens narratif. Les fusillades et autres morceaux de bravoure, ruptures de ton soudaines et violentes, profitent ainsi de ces trésors d’ingéniosités et d’un travail de découpage hallucinant pour provoquer les sens.

Si le final au goût d’apparent happy-end peut paraître étrangement positif, il fait pourtant disparaître ses personnages éprouvés dans un flot d’images numériques. Ils sont les blackhat du titre, bugs dans un système linéaire qui tentent de s’accrocher. Près de trente-cinq ans après Le Solitaire, le cinéma de Michael Mann continue toujours de dire la même chose. Seul les outils ont changé. Hacker apparait alors comme une sublime consécration.

Hacker - Affiche
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Critique du film "Hacker"

Sortie cinéma : 18 mars 2015
Un film de : Productions :
Legendary Pictures
Scénario : Avec : Durée :
02h13

Compositeur :
Budget : ---
Box-office mondial : ---
Classification : ---
Titre original :
Blackhat

Saga : ---

Une organisation spéciale lutte contre des cyber criminels.

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