Enragés

Présenté lors du dernier Festival de Cannes, Enragés fit le buzz avec la diffusion de sa première et impressionnante bande-annonce. Ce remake de Cani Arrabbiati (Rabid Dogs en anglais), classique du cinéma italien des années 70, réalisé par le grand Mario Bava, s’annonçait au travers de ces premières images comme un polar noir et énervé, et qui surtout proposait des images impressionnantes. De quoi titiller l’esprit de tous ceux qui aiment regarder des hommes munis de Ray Ban et d’un fusil à pompe.

En revanche, la présence à la réalisation d’Eric Hannezo laissait tout de même de la place à une forme d’appréhension. En effet, pour ce dernier, ancien journaliste sportif reconverti en réalisateur, il s’agit de son premier film. Et beaucoup de cinéastes se sont cassés les dents sur leur premier film, comme s’ils étaient écrasés par leur ambition, peut-être trop haute pour un premier métrage. Et c’est bien ce qui va arriver à cet Enragés : trop ambitieux, voulant à la fois citer le cinéma italien des années 70 et le cinéma américain des années 80, voulant proposer à la fois un film d’action réussi, et un road movie tendu et centré sur des personnages humains qui perdent le contrôle de la situation. En voulant trop s’éparpiller et réussir sur trop de tableaux, le film se perd et finalement n’est pas à la hauteur des attentes que l’on plaçait en lui.

On peut certes souligner la volonté du réalisateur et de ses co-scénaristes (Benjamin Rataud et Yannick Dahan) de ne pas laisser sombrer le métrage dans de l’action pour de l’action, et de tenter de se concentrer sur les personnages, de leur donner une vraie psychologie et une vraie évolution. Néanmoins, ces derniers se révèlent au final assez caricaturaux pour la plupart (mention spéciale au fou obsédé sexuel joué par François Arnaud), et les quelques passages qui auraient pu se révéler intéressants (Virginie Ledoyen qui tente de raisonner Franck Gastambide, la méfiance qui gangrène le groupe de braqueurs, ou Lambert Wilson tentant de gagner la confiance de Guillaume Gouix) sont finalement expédiés trop rapidement pour susciter un réel intérêt pour le spectateur. De même, les flashbacks sur les différents personnages, s’ils sont visuellement très réussis et puisent leur inspiration dans le giallo italien (couleurs très vives, musique angoissante), ils n’apportent au final rien à l’intrigue, et sont même des freins au rythme du film.

Ce dernier pose également problème, tant il se trouve être monotone. Si le film démarre rapidement par une très bonne exposition des enjeux et personnages (braquage qui tourne mal, évasion avec une mort accidentelle, poursuite en voiture, prise d’otage), son passage au road movie se trouve être trop linéaire et répétitif pour capter véritablement l’attention du spectateur, et manque finalement cruellement de tension. Et les quelques passages qui pourraient faire monter la pression sont tellement vus et revus dans le genre, et sans surprise, que l’effet escompté n’a pas lieux, et que l’ennui commence par moments à gagner le film. Ce dernier se trouve même être très frustrant lorsqu’il nous montre, après la poursuite et l’évasion des braqueurs, toute la mise en place et la préparation de quasiment toute la police du pays, pour qu’il n’y ait au final qu’une seule confrontation avec deux motards sur la route. Ou comment tendre la carotte et laisser des miettes. Il faut alors attendre la dernière partie du film, et l’entrée dans un village très particulier, pour retrouver un peu d’intérêt et voir enfin de la tension monter et se mettre en place. Ce qui est d’autant plus dommage que ce passage est très réussi, avec une mise en plage longue, une pression qui monte progressivement, jusqu’à une confrontation sanglante.

Tous ces défauts sont d’autant plus rageants qu’il y a bien une chose que l’on ne peut pas retirer au film, c’est sa véritable réussite formelle. Il faut ainsi saluer le travail du réalisateur Eric Hannezo, qui a d’abord su s’entourer d’une équipe compétente (Kamal Derkaoui, Directeur de la photographie de The Secret, et Arthur Tarnowski, monteur de Brick Mansions), et qui livre au final un film remarquablement mis en scène. Inspirée à la fois par le cinéma italien, voire des metteurs en scène américains comme Michael Mann, sa mise en scène parvient à poser une atmosphère pesante, à présenter avec efficacité ses personnages, se révèle fluide, sans céder aux standards à la mode actuellement (très peu d’utilisation de caméra à l’épaule), et se révèle parfois inventive, comme cette poursuite en voiture filmée uniquement de l’intérieur de la voiture des braqueurs (avec utilisation de zooms parfois impressionnants).

Enragés se révèle au final une vraie déception, loin d’être le polar noir et énervé que l’on attendait, la faute à une ambition trop haute pour un cinéaste dont il s’agit du premier film. Mais il ne s’agit cependant pas d’un mauvais film, loin s’en faut, grâce à quelques bonnes scènes, un twist final très réussi, un casting dans l’ensemble convaincant (avec des acteurs, pour la plupart, dans des rôles à contre-emploi) et surtout une mise en scène remarquable. On espère que l’expérience se renouvellera pour le réalisateur, qui saura surement apprendre de ses erreurs. 

Enragés - Affiche
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Enragés

Sortie cinéma : 30 septembre 2015
Compositeur : ---
Budget : ---
Box-office mondial : ---
Classification : ---
Titre original : ---
Saga : ---

Un braquage tourne mal. Les 4 criminels trouvent refuge dans un centre commercial où éclatent coups de feu et mouvements de panique. Cernés, ils abattent un homme et prennent en otage une femme. Acculés, ils arrêtent une voiture et prennent la fuite. A bord, un père et son enfant malade, qu'il doit emmener d'urgence à l'hôpital. Hors de contrôle, leur fuite va se transformer en traque sans merci. Désormais, il n'y a plus aucun retour possible pour ces chiens enragés...

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