Birdman

Cinquième long métrage du cinéaste mexicain Alejandro González Iñárritu, Birdman est une œuvre unique dans la courte filmographie du réalisateur. Alors que ce dernier, célébré à juste titre pour sa « trilogie de la mort » avec les brillants Amours chiennes, 21 Grammes et Babel, mettait en scène des récits choraux, étirés dans le temps et l’espace, et fondés sur un montage fragmenté, il décide cette fois de faire un virage à 180 degrés, puisque le récit de Birdman respecte une unité de temps (hormis la présence de quelques ellipses)  et de lieu (Broadway, et les quelques blocks autour) et que le film est réalisé uniquement en plan-séquence. Une façon pour Iñárritu, comme il le dit en interview, de sortir d’une sorte de confort, de lassitude, et de se remettre lui-même en question en explorant de nouveaux horizons.

Car Birdman est avant tout l’histoire d’une mise à nu, celle de Riggan Thomson (Michael Keaton, impressionnant de justesse et d’humanité), acteur qui a connu la gloire en interprétant le rôle d’un super-héros (« L’homme-oiseau », donc) pour une série de films, et qui, coincé dans cette image de super-héros, va tenter de prouver au monde qu’il est un artiste accompli en adaptant au théâtre la nouvelle de Raymond Carver, What We Talk About When We Talk About Love, qu’il doit jouer à Broadway. Ainsi, en mettant en image cet artiste voulant à tout prix sortir de l’image qu’il renvoie depuis des années (jusqu’à mettre tout son argent, à hypothéquer sa maison), le cinéaste mexicain met en scène son propre désir de s’affranchir de cette étiquette de réalisateur de drame ou de film choral, dans laquelle il craint d’être enfermé. Mais le chemin pour y parvenir est semé d’embûches (le film démarre lors des répétitions, et se termine après la première représentation publique), entre accidents matériels, caprices et disputes entre acteurs, doutes et remises en question, et surtout l’âme du personnage de Birdman, qui hante chaque jour Riggan.

C’est en ce sens que va se justifier l’emploi intégral du plan-séquence. Il s’agit en effet d’un outil narratif qui permet à Iñárritu de mettre en image les difficultés et les tourments de cet artiste, ainsi que l’état émotionnel dans lequel il se trouve, et son évolution progressive au cours du récit. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir la caméra suivre le personnage à l’intérieur ou à l’extérieur des couloirs du théâtre, puis lorsqu’il pénètre dans une salle, de présenter la scène en la filmant en plan large (définition du cadre, du lieu, mise en place des personnages et de leur importance dans le cadre) pour progressivement, sans que le spectateur ne s’en rende compte, se concentrer et se rapprocher d’un personnage en particulier, pour nous faire pénétrer à l’intérieur de lui-même et nous faire ressentir l’émotion de manière plus forte. Le procédé est réussi, et d‘une manière générale, Birdman se révèle être une claque visuelle comme on en voit rarement. L’utilisation du plan-séquence est brillante, et l’on en vient même à oublier que tout le film est construit sur ce procédé, qui au final, sert avant tout à mettre en image le propos du film. C’est néanmoins dommage car, passée la première heure, le réalisateur à tendance à retomber dans ses petits défauts, notamment cette propension à manquer de finesse et à devenir trop explicatif (son précédent film, l’intéressant Biutiful, en pâtissait déjà). Dans la deuxième moitié du film, les personnages secondaires (la fille de Riggan, son ex-femme, son meilleur ami, l’acteur campé par Edward Norton) ont tendance à ne devenir que de simples fonctions, qui parfois apparaissent dans la scène uniquement pour expliquer oralement ce que le cinéaste parvient pourtant à nous faire comprendre uniquement par les images. Ainsi, les thèmes exploités par Iñárritu sur la deuxième partie du film (la volonté de reconnaissance, l’obsession de l’artiste, le rapport entre l’art et les franchises de super-héros…) n’ont pas le même impact que lors de sa première partie.

En revanche, c’est lorsqu’il se concentre sur ses personnages que le film est le plus captivant, et le plus touchant, en développant un récit qui alterne entre la farce et le drame, et surtout sans surligner un aspect plutôt qu’un autre. Le film a cette capacité à passer de l’humour à la tristesse en quelques secondes, et ce, sans que cela soit forcé, c’est au contraire réalisé avec un naturel bluffant, dans un crescendo qui s’accélère jusqu’au dénouement final. C’est lorsque le film nous plonge à l’intérieur du personnage de Riggan, et que l’on se retrouve face à ses doutes, ses tourments, ses erreurs, le film fonctionnant comme une mise à nue aussi bien morale que physique (le personnage étant en sous-vêtements à plusieurs reprises), que le film devient le plus puissant, et que chaque personnage a une importance particulière. A ce titre, le film doit une partie de sa réussite à son acteur principal, mais également à l’ensemble de son casting, tous les acteurs étant excellents, en particulier Emma Stone et Zach Galifianakis, utilisés ici pour des rôles à contre-emploi. Ce qui confirme la capacité du réalisateur à diriger ses acteurs et à les faire pénétrer complètement dans leur rôle, chacun des comédiens ayant ici l'une des meilleures prestations de sa carrière.

Célébré par l’ensemble de la critique avec ce film, Alejandro González Iñárritu a construit une œuvre unique, véritable tour de force visuel et drame à la fois drôle et touchant. Le réalisateur mexicain voulait surprendre, se débarrasser de l’image qui lui collait à la peau, et explorer une nouvelle grammaire visuelle. Ce dernier considère Birdman comme un triomphe libérateur, ce que l’on croit sans peine à la vue du dénouement de l’histoire.

 

Birdman - Affiche
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Birdman

Sortie cinéma : 25 février 2015
Compositeur : ---
Budget :
$ 18 000 000

Box-office mondial :
$ 21,822,413

Classification : ---
Titre original : ---
Saga : ---

L'acteur Riggan Thomson, has been connu pour avoir incarné un célèbre super-héros, monte une pièce à Broadway autour de son propre personnage dans l'espoir de renouer avec sa gloire passée. Pour se faire, il est soutenu par sa fille, fraichement sortie d'une cure de désintoxication qui devient son assistante, par une actrice et un producteur farfelu.

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