Antiviral : Interview du réalisateur Brandon Cronenberg

Antiviral : Interview du réalisateur Brandon Cronenberg

Alors que Antiviral, le premier long-métrage du jeune réalisateur Brandon Cronenberg, sortira dans nos salles de cinéma le 13 février. Nous avons eu la chance de pouvoir interviewer le réalisateur et de connaitre des détails concernant le processus de création du film. Découvrez l'interview ci-dessous :

 

L’univers de Antiviral est vraiment anxiogène. Est-ce plutôt une métaphore de notre présent, ou un avertissement concernant nos sociétés futures ?

C’est clairement une métaphore de notre présent, une version exagérée de notre système actuel et de ses valeurs. Certaines personnes voient cela comme une anticipation de notre futur, et je n’y vois pas d’inconvénient, mais cela devrait se percevoir plus comme une satire du présent que comme une prédiction.

La technologie peut sembler menaçante au cinéma. L’essor technologique constitue t-il pour vous une source d’inquiétude ? Les dérives de la technologie vous semblent-elles liées à une science et une société consumériste sans éthique ?

La technologie n’est pas éthique en soi, c’est plutôt la façon dont on l’utilise qui détermine sa fonction. On peut pointer du doigt ses dysfonctionnements et la recherche aveugle du profit, mais je crois que nous sommes tous responsables, nous choisissons de participer à cette technologie qui devient un prolongement de nous-mêmes. Bien sûr que l’on exploite nos envies de l’utiliser, mais à la fin c’est nous qui choisissons d’en faire usage. Nous choisissons d’utiliser Facebook et les réseaux sociaux, nous avons notre rôle à jouer, nous ne sommes pas sans reproches non plus. On pourrait donc dire que la technologie est ce que nous en faisons, elle n’est pas indépendante de nos états d’esprit, de nos émotions.

La nourriture très spéciale présente dans votre film donnerait plutôt envie de vomir et de devenir végétarien…

(Rires). Oui, je comprends.

D’où vous est venue cette idée, et par extension, considérez-vous la célébrité comme une forme de cannibalisme ?

C’est tout à fait cela. Dans le film, on en fait quelque chose de très littéral, la starification et l’idolâtrie mènent à une forme de cannibalisme : « mangez, ceci est ma chair. » C’est une manière de s’approprier une part de leur aura médiatique. Cette idée m’est venue après avoir lu un article scientifique qui décrivait la possibilité de fabriquer de la viande à partir de cellules souches humaines. D’une certaine façon, cela existe déjà.

L’acteur Caleb Landry Jones est assez fascinant. Il a un aspect à la fois androgyne et presque angélique et une apparence torturée, il incarne la souffrance et l’addiction. Comment l’avez-vous choisi ?

J’avais vu des essais qu’il avait faits pour d’autres films, j’ai trouvé qu’il était vraiment fascinant à regarder, ce qui est important dans un film comme Antiviral où on le voit quasiment à chaque plan. Je voulais créer un personnage qui soit au-delà de la culture à laquelle il participe, bien qu’il y soit totalement impliqué. Voilà pourquoi le choix de Caleb Landry Jones me paraît important.

Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec Karim Hussain ?

J’ai eu l’occasion de voir des bribes de son travail, ainsi que Hobo with a shotgun ( par le même producteur que Antiviral), pour lequel il a fait la photographie. C’était absolument merveilleux de travailler avec lui, et nous sommes devenus de bons amis depuis. Il est venu deux mois avant le travail de préproduction, on a vu tout le scénario ensemble et fait le découpage de chaque scène pour créer l’ambiance, le langage cinématographique adéquat.

Et avec Malcom Mc Dowell (Orange Mécanique), qui interprète un petit rôle ?

C’est un acteur très professionnel, et humainement sympathique.

Souhaitez-vous poursuivre dans cette voie scientifico-fantastique, ou souhaitez-vous explorer d’autres horizons cinématographiques ?

Je ne pense pas en termes de « genre ». Même lorsque j’écrivais le scénario de Antiviral, je n’avais pas en tête de réaliser un film d’horreur ou de science fiction. Le prochain film sera certainement proche du même univers, car c’est cela qui m’intéresse, indépendamment du genre cinématographique.

Et maintenant la question inévitable mais qui peut agacer : vu qu’il est difficile d’échapper à la comparaison avec votre père, qu’est-ce qui pourrait vous avoir influencé chez lui ou dans ses films, consciemment ou non ?

Je suis trop proche de lui et de son univers pour être influencé au sens où on l’entend habituellement, mais bien sûr que je suis influencé par lui du fait qu’il soit mon père et que cela a du avoir un impact sur moi, plus encore que ses films. Le fait d’avoir côtoyé des stars en sa présence m’a aussi permis de voir les deux faces de la célébrité, la personne publique d’un côté et de l’autre côté la personne dans sa vie privée, la personne réelle et non fantasmée. Et cela a nourri mon film.

Comment s’est déroulé le travail concernant la bande originale ?

On a énormément discuté avec le compositeur, et on a vu chaque plan séparément. On a discuté de théorie, d’idées assez abstraites sur la musique, jusqu’au plus petit détail. En fait il s’agit de mon cousin et on s’entend très bien, il m’a permis de m’asseoir près de lui, d’accéder à son univers et son processus créatif.

Quelles autres influences ont pu imprégner Antiviral : le cyberpunk, la littérature, la musique… ?

J’écoute toutes sortes de musiques, je suis assez ouvert et éclectique, mais aucune ne m’a influencé en particulier. J’aime beaucoup l’esthétique du cyberpunk, les œuvres de William Gibson ou de Shinya Tsukamoto par exemple, mais concernant la science fiction — j’en lis un peu, sans être un fan absolu — je serais plutôt intéressé par Philippe K. Dick…

 … qui a influencé beaucoup de monde, y compris David Cronenberg qui lui rend hommage avec eXistenZ.

Oui, mais pratiquement toute l’œuvre de mon père est marquée par Philippe K. Dick. Et c’est vrai que c’est une influence majeure pour un grand nombre de gens.

En tant que « bibliophile », quels livres ont eu un impact sur vous ?

Je ne citerai pas d’auteur en particulier, il y en a tellement ! Et puis je n’aime pas particulièrement faire des listes. Hier en interview j’ai commencé à citer des auteurs, et il se trouve que c’étaient exclusivement des écrivains américains, et le journaliste m’a suspecté de n’aimer que la littérature américaine, et c’est précisément ce que je veux éviter car j’aime des auteurs de tous les pays. Je pourrais vous citer Dostoïevski, Kafka, Camus, mais je préfère ne pas dresser de liste, c’est trop restrictif.

Comment pensez-vous que Antiviral va être perçu par le public français ?

Je n’en ai aucune idée ! (Rires) ! J’adorerais que mon film plaise ici, évidemment, mais c’est difficile à prévoir. J’ai lu qu’après Cannes il y a eu des critiques assez négatives, mais apparemment à Cannes tout le monde est très critique, c’est un milieu impitoyable… J’espère que le public se fera une idée par lui-même.

Merci et souhaitons que le virus cinématographique se propage !

(Rires).Je le souhaite aussi, merci.

 

 

 

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